DOCUMENTS PREHISTORIQUES

1- Les premières traces humaines Les premiers témoignages d’une industrie humaine dans l’Indochine orientale remontent à la fin du tertiaire, au moment où un dernier mouvement himalayen attardé accompagne le creusement des vallées plissées selon l’axe Nord Ouest-Sud Est. Ce sont des galets bruts ou avec éclats formant pointes ou tranchants qu’on attribue à un Anthropien.

L’ère quaternaire assiste à un relèvement en bloc de la péninsule qui fait surgir abruptement la chaîne annamintique au-dessus de la mer et provoque par un réveil de l’érosion l’alluvionnement général des bassins et le début de la formation des deltas. La vie continue à résider dans les hauteurs. C’est dans le Nord de la Chaîne Annamitique, sur le territoire de l’actuel Laos, qu’on a découvert dans le massif de Phou Loi à Tham Pong, 150 km au nord-est de Luang Prabang, les traces d’un Hominien, eut-être apparenté au Sinanthrope. Il a laissé des galets bruts ou grossièrement taillés, parfois perforés, ou des os travaillés.

Cette période du pléistocène est datée par une faune de mammifères fossiles (stégodon, hyène, orang-outan) espèces maintenant disparues. Et selon Coedès, les rapprochements qu’il est possible de faire semblent indiquer une certaine parenté avec le Sinanthrope des environs de Pékin, qui a précisément connu la même industrie ou une industrie très analogue. Cela n’aurait rien de surprenant dans une région paraissant avoir été habitée dès le quaternaire par un être humain, peut-être un Proto-Australien qui par sa situation géographique pourrait être un intermédiaire entre le Pithécanthrope de Java et le Sinanthrope du Nord le la Chine. Ces Proto-Australiens constituent probablement le plus ancien peuplement de l’Asie du Sud-Est; ils se sont mélangés ensuite à de nouveaux groupes humains venus du Nord ou de l’ouest (Les peuples de la péninsule Indochinoise, Paris 1962, pp. 19-20).

2- Les Hoabinhiens : Vers la fin du paléolithique ou au début du mésolithique, tandis que les deltas continuent à s’accroître, apparaît la civilisation « hoabinhienne » caractérisée par des instruments en pierre taillée et l’absence à peu près complète de céramique. Un gisement de paléolithique attardé d’une exceptionnelle importance, par son étendue, l’abondance du matériel lithique rencontré et la composition même de celui-ci, a été découvert dans le courant de l’année 1940, dans la banlieue immédiate de Luang Prabang (villages de Xieng-Lek, de Phon-Muat, et de Pha-Khôm) par Paul Lévy.

Il s’agit en effet d’un lieu qui n’a cessé d’être habité, depuis une époque où l’homme n’avait pour tout outillage que les galets grossièrement éclatés. Cette époque est caractérisée par des outils en pierre taillée et l’absence à peu près complète de cérarmique. On a pris l’habitude de la désigner en Indochine sous le nom d’époque « hoabinhienne » car les premiers outils de ce type furent mis a jour dans des grottes de Hoa-Binh (Tonkin méridional). Notons que les restes humains trouvés sur les sites hoabinhiens présentent les caractères qui les apparentent à des races australiennes et papou-mélanésiennes. Mais tout cela est encore à l’état embryonnaire et l’on doit observer la plus grande prudence avent d’en tirer une conclusion » (Henri Deydier, Introduction à la connaissance du Laos, Saigon 1952, pp. 8-9).

3- Néolithiques. Les trouvailles de Madeleine Colani dans les grottes de Mahaxay (Kham-Mouane) nous apportent des éléments plus solides. Ces abris naturels sont sans doute des nécropoles, le mobilier en est pauvre, mais il nous révèle séries de faits :
1- Les Néolithiques qui laissèrent en ces lieux des vestiges de leur occupation, avaient l’habitude de cacher cadavres ou les squelettes des leurs, dans les fissure de rochers calcaires avec un mobilier funéraire constitué de nombreuses haches.
2- Une culture préhistorique semblable à celle du littoral du viêt-Nam central se trouve dans cette partie Khan-Mouane. Les coquilles marines y tenaient un grand rôle. Or, le commerce des coquilles servant à la parure, obligeaient les marchands ou acheteurs à parcourir des centaines de kilomètres, dans une contrée des plus ingrate et fort périlleuses. Cette civilisation néolithique a donc franchi, dans un sens ou dans l’autre, la chaîne Annamitique. Ces peuples néolithiques étaient, croit-on, des Indonésiens (H. Deydier, op. cité, p. 9).

C’est à l’époque protohistorique, âge du bronze début de l’âge de fer, qu’appartiennent diverses cultures mégalithiques qui ont laissé d’importants vestiges dans diverses régions de l’Indochine. Les mégalithes les plus anciens sont sans doute menhirs ou pierres levées, de Hua Phan au Laos; ce des lames de schiste plates groupées en champs ou échelonnées le long des sentiers l’on jouit souvent d’une vue fort pittoresque. A côté, se trouvent fréquemment des couvercles de pierre recouvrant des fosses, dont la destination funéraire ressort des découvertes qui y ont faites, dents humaines et fragments d’os non incinérés. Le mobilier associe à ces restes appartient à 1’âge de bronze.

Plus récentes, parce que taillées au moyen d’outils de fer et associées a des objets de même métal, sont les jarres du Tran-Ninh (xieng-Khouang) grandes urnes monolithes, plantées dans le sol et disposées en général par groupes. Il y en a de toutes les tailles, les plus grandes pouvant contenir jusqu’a dix hommes debout. Les unes sont façonnées avec soin, les autres taillées d’une manière irrégulière. Presque toutes ont des fonds très épais qui leur assurent une grande stabilité. A côté du champ principal qui porte le nom de Ban Ang (entre Xieng Khouang et la Plaine des Jarres) se dresse un petit massif calcaire comportent une grotte naturelle, avec un trou d’aération dans sa partie supérieure. Le sol de cette grotte contient quantité de vases de terre déformés par la chaleur, noircis par la fumée, accompagnés d’os humains blanchis par le feu et en partie calcinés. Il est évident que cette grotte était une sorte de four crématoire, en même temps qu’un columbarium où les cendres étaient conservées dans des récipients de terre.

Les fouilles dans les grandes Jarres ayant d’autre part révélé, dans une boue charbonneuse, des dents et des os humains portant des traces de calcination, on peut ou inférer qu’elles servaient d’urnes funéraires les morts étaient brûlés dans la grotte voisine, les cendres du commun des mortels y restaient conservées dans d’humbles poteries, tandis que les restes des chefs étaient placés dans les Jarres monolithes. Le pays est actuellement habité par des Thais dont l’arrivée dans la région est relativement tardive et qui attribuent la taille des Jarres monolithes à une race des géants, ancêtres des Khas, c’est-à-dire des aborigènes montagnards (G. Coedès, op. cité, pp. 26-27).

En résumé, reprend H.Deydier, par l’outillage qui leur est associé, les mégalithes appartiennent déjà à l’âge des métaux, c’est-à-dire à l’époque proto-historique mais qu’il s’agisse des menhirs ou de jarres monolithes, on est toujours en présence de monuments à destination funéraire, ou relation avec le culte des ancêtres et des chefs défunts. A nouveau, nous sommes devant un gouffre obscur. Que de maillons manquants dans la chaîne de ces évènements. La linguistique nous apporte cependant une faible lueur sur l’aube de la période historique, grâce à l’étude des doublets onomastiques Xieng-Thong Xieng-Dong. On est conduit à admettre l’existence de groupes exogames (sens doute des Indonésiens) se rattachant vraisemblablement, au point de vue linguistique, au groupe Môn-Khmer et possédant un système social de deux classes (Lévy). Mais il faut arriver au VIIè siècle de l’ère chrétienne, pour atteindre le solide terrain des réalités historiques (H. Deydier, op. cité, Pr. 11-12).


REALITES HISTORIQUES

En effet, ce n'est qu’à partir au VIIè siècle que l’on peut avoir des documents plus précis des passages dans les Annales chinoises relatent 1’arrivée à la cour impériale des ambassadeurs d’un pays appelé Wentan qui devait devenir le Laos actuel, des stèles, des statues d’origine khmère découvertes sur les territoires Lao; enfin, un récit d’une courte guerre entre le Ai-Lao et le Dai-Viêt à la veille de l’avènement de Fa-Ngoum dans les Annales du Viêt-Nam.

1-Le Wentan d’après les Annales chinoises. Selon l’histoire des T’ang, après l’an 706, le Tchenla se divisa en deux le Haut Tchenla ou Tchenla de terre au nord, le Bas Tchenla ou Tchenla d’eau au sud. Lawrence Palmer Briggs (The atcient Kmer Empire, Philadelphia, 1951, pp. 54-60) précise que le Haut Tchenla s’étendait jusqu’au Yun Nan, ayant comme population les Kha et probablement les Thai dans les régions voisines de Nan Chao.

L’étude de Briggs sur le Haut Tchenla que les Annales chinoises appelèrent dès lors par le nom de Wentan peut être résumée comme suit : Selon Pelliot, la localisation du Wentan dans le Haut Tchenla ne peut être mise en doute. Mais comment explique-t-on l’origine du mot Wentan ? Adolf Bastion, déchiffrant les manuscrits chinois relatifs à Wentan, l’a identifié avec Vientiane, capitale actuelle du Laos.

Gustaf Schlegel croit que le nom Wentan vient du mot sanskrit Chanda ou Chandapura, ancien nom de Vientiane, transcrit en caractères chinois et devenu Wentan. Lefèvre Pontalis, adoptant la théorie de Bastian, donne plus de détails sur les relations entre Wentan et la Chine à l’époque où ce dernier pays était en guerre avec le Tibet et le Nan Chao (Wentan, 1914). Mais cette théorie (Wentan est l’ancien nom de Vientiane) fut bientôt réfutée, parce que l’équivalence phonétique est considérée comme insuffisante et qu’on n a pu trouver dons la région de Vientiane des vestiges anciens susceptibles de la confirmer.

Henri Maspéro, en étudiant vers 1918 les frontières du Cambodge et du Viêt-Nan, retrouve la piste de Kia Tan ou Chia Tan (envoyé de la Chine au Wentan, au VIIIè siècle) qui, croit-il, avait été suivie par les troupes de Wentan en 722 av. J.C. pour venir à Nghê-An (province du Nord du Centre Viêt-Nom actuel) aider le roi du Viêt-Nam Mai Hac Dê à se soulever contre la domination chinoise : « Partant de Nhan Thap (Nom Duong. Nghê An au Nord du Centre Viêt-Nam) vers le Sud-Ouest, au bout de plusieurs jours, on franchissait la Chaîne Annamitique à l’un des Cols qui se trouvent au-dessus de Hà Trai, on débouchait au Laos dans les provinces actuelles de Kham Mouane et de Kham Khut, à la sous-préfecture Je Lo qui devrait se trouver non loin du village actuel de Napé. Passe ce point, l’itinéraire est plus difficile à suivre » (H. Maspéro, BEFEO, tome XVIII 1918, La Frontière de l’Annam et du Cambodge au XIIIè ou XIVè siècle, p. 31). En calculant le nombre de journées de route, les orientations marquées dans les notes laissées par Chia Tan, qui n’avait fait aucune allusion à un voyage le long au Mékong ou à une traversée de ce fleuve, Maspéro conclut que Wentan ne doit être ni à l’ouest du Mékong, ni même à Vientiane, mais plutôt à Pak Hine Boun, sur la rive gauche du Mékong, au Laos central, dans la province actuelle de Kham Mouane.

En réponse à l’objection qu’aucun vestige ancien n’a pu être trouvé dans cette région. Maspéro explique que ces monuments avaient été sans doute construits avec des matériaux légers et périssables et que le Laos central est couvert de forêts épaisses rendant difficiles, sinon impossibles, les fouilles qui, jusqu’alors n’ont pas été entreprises d’une manière approfondie. Un autre archéologue, Seidenfaden, a situé toutefois Wentan à Nakhon Phanom, sur la rive droite du Mékong, en face de Thakhek, un peu en aval de Pak-Hin-Boun, où des ruines d’une grande ville ont été découvertes.

Voici ce que nous rapportent les Annales chinoises sur l’histoire de ce pays : La première délégation d’envoyés au Wentan arriva en Chine en 717. Cinq ans après, en 722, comme nous venons de le voir, les troupes du Wentan vinrent à Nghê An pour aider Mai-Thuc-Loan dons Sa lutte contre les Chinois. Ce dernier, après avoir chassé les envahisseurs, monta sur le trône, sous le nom de Mai-Hac-Dê (le roi Mai à la peau noire), mais les troupes chinoises revinrent peu après; Mai-Hac-Dê fut vaincu. Une deuxième délégation diplomatique arriva en Chine, en 750. Les Annales chinoises n’en ont pas précisé l’origine, mais probablement ce fut encore celle du Wentan. En 753, toujours selon les Annales chinoises, le prince héritier du Wentan vint à la cour de l’empereur de Chine avec une suite de vingt-six personnes. Il fut chaleureusement reçu par l’empereur qui lui accorda le titre honorifiçue de « Protecteur ferme et persévérant ».

En ce temps, la Chine était en guerre avec le Nan Chao, aussi voulait-elle avoir le Wentan comme allié. Depuis 750, Kolofeng, roi du Nan Chao, avait occupé plusieurs régions Au sud de la Chine. L’empereur y avait envoyé ses troupes mais elles furent battues par les Nan Chao. L’empereur dépêche alors une armée beaucoup plus forte pour chasser les Nan Chao de ses territoires. Le prince héritier du Wentan faisait aussi partie de cette expédition. Mais les troupes chinoises, encore une fois, furent vaincues.

En 771, le vice-roi du Wentan, appelé Pho Mi, accompagné de sa femme et de sa suite, vint offrir à 1’empereur de Chine les tributs de son pays, dont onze éléphants bien dressés (notons que le nom Pho Mi est un nom de personne typiquement Lao). L’empereur le reçut avec honneurs et lui accorda le titre honorifique de « Vice-pré-sident, inspecteur du Palais » et surnom chinois de Pin Han qui signifie « Invité de l’empereur ».

En 779, et en dernier lieu, en 799, Wentan envoya encore ses ambassadeurs en Chine pour payer les tributs. Et. vers la fin du VIIIè siècle, un envoyé de l’empereur de Chine, Chia Tan (ou Kia Tan) rédigeait des notes sur son voyage de Chine à Wentan en traversant le Giao Châu (ancien Viêt-Nam) pour arriver à Nghê An en franchissant ensuite la Chaîne Annamitique pour arriver à la capitale du Wentan. C’était la route qu’avaient emprunté les troupes de Wentan pour venir en aide au roi du Viêt-Nam en 722 et les ambassadeurs du Wentan pour se rendre à la cour de l’empereur de Chine dans les années 717, 750, 753. 771, 779 et 799.

2- Quelques vestiges khmer Le pays appelé Wentan était vassal du Cambodge (hypothèse de G. Maspéro, Sai-Fong, une ville morte, EEFEO, tome III, 1903, n° 1) comme le prouvent aussi les vestiges d’origine khmère découvertes sur les territoires du Laos. « Une stèle de grès inscrite et traduite par Barth 1902. p. 235 prouve que dès le VIIè siècle çaka, l’empire khmer étendait ses limites jusqu’à la province de Passak. « L’inscription, entièrement en sarskrit et en vers, débute par un hommage à Civa dont elle célèbre la victoire sur l’amour que suit un éloge du roi Jayavarman I qui régna sur l’ancien Cambodge ou Tchenla vers 6s0 A.D. » Henri Marchal, Le Temple de Vat Phou, Vientiane, 1957, p.18). Une statue de Ganeça ou Canesha, d’origine Khmère (actuellement conservée au Musée d’Arts religieux du Vat Phra Kèo, Vientiane, sous le n° 436) a été découverte dans l’île de Khong (province de Champasak, Laos du sud).

« Divinité brahmanique à tête d’éléphant, Ganeça est le fils de Civa et de Parvati ; il est généralement considéré comme le protecteur des Arts et des Lettres. Cette pièce de facture préangkorienne, date sans doute du VIIè siècle ». (Thao Boun Souk, Le musée d’arts religieux du Vat Phra Kèo, Lao Press, 31-5-1969). Une stèle des 900 Vishnu, trouvée A Luang Prabang, en 1917. montre que le brahmanisme eut un moment de vogue dans cette région. A quelle époque ? Au IXè siècle où le roi khmer Jayavarman Il (802-850) qui réunit les deux parties du Tchenla, était brahmaniste ? Au XIIIè siècle, après le règne de Jayavarman VII (1181-1219), quand Le brahmanisme brillait d’un dernier éclat au Cambodge et que des souverains khmers s’y étaient convertis (si l’on en croit le chinois Tcheou Ta Kouane qui avait visité Angkor en 1296-1297) ? (Vénérable Pang Khat, Le bouddhisme au cambodge ( France-Asie, sous N° 153-157, pp. 847-849) Nous ne saurons le dire.

Une autre statue de Bouddha sur un Naga (statue n° 520 au musée de Vat Phra Kèo, Vientiane) est « remarquable par le fait que, pièce d’origine khmère, elle a été transformée en Bouddha Laotien le visage est assez grossièrement retaillé et l’on voit encore des traces de laque noire ; une pièce très analogue sans doute, mais non ainsi transformée se trouve d’ailleurs immédiatement à Sa droite (statue n° 412) (Thao Boun Souk, op. cité). Notons en passant que les statues de Bouddha sur un Naga sont des statues « Nationales » du Cambodge les Khmers ont rapproché leur légende Nagara Raya (le premier roi du Cambodge qui était un prince venant de l’Inde, épousa une princesse fille du Roi des Serpents Nagara Raja) au Lalita-Vistara, un texte sacré du Bouddhisme (La cinquième semaine après son illumination, Bouddha se dirigeant vers le lac Mucalinda pour méditer, fut surpris par une violente chute de neige de sept jours; alors le Roi des Serpents, Mucilinda, l’entoura de ses anneaux et de ses têtes pour l’abriter et le réchauffer).

Une très belle tête de Vishnu, d’origine khmère (statue n° 450, Musée de Vat Phra Kèo) en grès gris, date vraisemblablement du XIIè siècle. Elle provient du Vat Si Muong de Vientiane. Monsieur le Professeur Jean Filliozat, Directeur de l’Ecole Française d’Extrême-0rient, qui l’examinait encore tout récemment, pense que ce Vishnu, divinité brahmanique, serait en réalité un Lokeçvara, Bodisattva du Bouddhisme du Grand Véhicule, dont on aurait retaillé la coiffure pour en faire disparaître la figuration du Bouddha Amitabha qui s’y trouve normalement, le rendant ainsi conforme à la « tiare » « Vishnouiste ». Enfin, « la célèbre stèle de Say Fong » (n° 449, Musée du Vat Phra Kèo), découverte en 1903, près du village de Say Fong, à une dizaine de kilomètres au Sud-Est de Vientiane, commémore la fondation en ce lieu d’un hôpital par Jayavaman VII, Roi d’Angkor, l’immortel bâtisseur du Bayon » (1181-1218 ?) (Thao Boun Souk, op. cité).

3- Vestiges môn. En 1925, Charles Batteur signalait, à environ 55 km au nord-ouest de Vientiane, dans le site de Vang Sang, deux grands Bouddha de grès rose d’une hauteur de 5 m environ, trois Bouddha de 1,50 m et cinq Bouddha plus petits situés en contre-bas. En 1940, Suzanne Karpelès reproduisait ces sculptures de Vang Sang avec d’autre, situées à Dan Sung, site proche de Vientiane, dans la même vallée du Nam Ngum. « Ces statues rappellent étonnamment celles que les Môn de Birmanie faisaient et qu’ils appellent encore Kyaik pôn; les « quatre Seigneurs ». Karpelès rapprochait, avec justesse, le style des sculptures de Dan Sung et de Vang Sang de celui des Bouddha môn de l’époque de Lavapurî du IXè-Xè siècle.

De toutes récentes recherches effectuées par JM. Gagneux au confluent de Nan Ngum et du Nan Lik, près du Ban Thalat (Gagneux .M. vers une révolution dans l’archéologie Indochinoise, B.A.R.L. N° 7-8, 1972, pp. 83-105, ont révélé, avec la statue d’un Bouddha debout d’une « facture très ancienne », une inscription môn datant du VIIè siècle av. J.C., selon le mônisant, Shorto. Cette découverte exceptionnelle, et compte tenu de celles faites en Thaïlande orientale par Boisselier, laissent penser qu’avant d’être contrôlé temporairement par les Khmers et pour toujours par les Lao, le Moyen-Laos a dû l’être par des Môn de Dvâravati ou de Lavo, fervents bouddhistes et proches parents, mais indianisés, des aborigènes môn-khmer du pays, les Kha.

Cet élément nouveau, majeur, dans l’histoire archéologique du Laos nous explique sans doute pourquoi le plus ancien nom de Luang Prabang était Muong Swa, le Muong Java, le nom géographique déjà appliqué par les Indiens à la grande île de l’Insulinde (Paul Lévy, Histoire du Laos, Paris, 1974, pp. 35-36). 4. Le Ai Lao dans les Annales Vietnamiennes. On relève toutefois, vers le XIè siècle, c’est-à-dire avant cette époque, une première scission du royaume en deux principautés Luang Prabang et Vientiane cette derrière (où a été découverte la stèle de Say Fong) probablement vassale du Cambodge (P. Le Boulanger, op. cité, p. 21, an.1) la première, Luang Prabang, au Nord, que les annales du Viêt-Nam appelèrent Ai Lao.

Pour les historiens vietnamiens, Ai Lao désignaient toutes les populations autochtones de l’intérieur de l’Indochine et dont le territoire à l’est, touchait la moyenne région tonkinoise et à l’ouest, s’étendait démesurément, jusqu’à des limite imprécises. Et le mot « Ai-Lao » est mentionné pour la première fois dans les Annales vietnamiennes dès la fin du XIIIè siècle : En 1290, le roi Trân-Nhân-Tông dirigea une expédition contre les Ai-Lao venant piller les provinces frontalières du sud-ouest. Puis, au début du XIVè siècle, sous le règne du Roi Trân-Anh-Tông (1293-1314), le général Pham-Ngu-Lao réussit à repousser à quatre reprises les incursions des Ai Lao dans les provinces de Thanh Hoa et de Nghê-An (Cf. Trân-Trong-Kim, Viêt-Nam Su-Luoc, 7è éd.Saigon, 1964, pp. 131 et 162).

Le Dai-Viêt Su-Ky Toàn-Thu (Les Annales du Grand Viêt-Nam, collection complète, tome VII, 9a sq (cité par Lê Thành Khôi, Le Viêt-Nam, Paris 1955, pp. 192-193) a mentionné une courte guerre contre le Viêt-Nam à la veille de l’avènement du grand roi Fa Ngoum ….les Ai Lao vinrent piller la frontière du Nghê-An. Minh Tông Thuong Hoàng Trân Minh Tôngn roi du Vietnam ( 1314-1329), père et régnent du roi Trân Hiên Tông (1329-1341). C’est Minh Tông qui conduisit l’expédition contre l’Ai-Lao et non Hiên Tông comme l’écrit H. Maspéro dans BEFEO, XVIII, N° 3, p.35-36) marcha contre eux en 1334. A l’approche de l’armée vietnamienne, les Ai Lao se retirèrent. L’empereur fit alors dresser une stèle sur la montagne pour commémorer sa victoire. L’inscription due a Nguyên Trung Ngan, célèbre la grandeur du souverain à qui le prince de Champa, les délégations du ChanLap Tchenla et du Siam ainsi que les chefs des tribus montagnardes sont venus rendre hommage au Col de Cua-Rao. « Ce succès demeura sans lendemain. Dès l’année suivante, les Ai Lao revinrent razzier le Nghê-An. Le général Doàn Nhu Hài, malgré le brouillard épais, s’avança imprudemment contre l’ennemi dont il sous-estimait les forces. Au passage de la rivière Tiêt-La, il se trouva soudain cerné de toutes parts. Ses troupes, saisies de frayeur, se débandèrent au premier choc. Plus de la moitié périt dans les eaux et Doan Nhu Hai lui-même y trouva la mort.


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