FA NGOUM ET UNITE DU ROYAME DE LANE XANG

PREMIERE UNITE LAOTIENNE

Sur les origines et l’avènement de Fa-Ngoum, notre étude est basée sur deux principaux ouvrages le « Nithan Khoun Bourôm Rasathirath » (Edition on lao du Ministère des Cultes, Vientiane, 1967) et « l’Hïstoire du Pays de Lane Xang Rom Khao », la traduction en langue française d’une autre version du Nïthan Xhoun Bourôm par Auguste Pavie (Mission Pavie, tome 11, Paris 1898), ouvrages que nous avons par ailleurs confrontés avec les Annales locales parues entre temps le « Phongsavadan Hèng Pathet Lao » (Edition du Gouvernement, Nanoï 1927), le « Phongsavadan Muong Luang Prabang » (Edition de la Bibliothèque Nationale, Vientiane 1969) et les livres d’Histoire du Laos écrits par des auteurs contemporains tels que le « Phongsavadan Lao » de Maha Sila Viravongs (Vientiare, 1957), le « Phongsavadan Sat Lao » de Tiao Kham Manh Vongkôt Ratana (Vientiane, 1961) et le « Khoam Pen Ma Khong Lao » de Thao Oukhan, Rhornvongsa (Vientiane, 1958).

Bien qu’une telle recension nous ait donné l’occasion de constater que beaucoup de détails diffèrent d’un ouvrage à l’autre, et qu’en certains points ils sont même contradictoires, nous voudrions, néanmoins, en faire état dans chaque cas concerné, afin de présenter à nos lecteurs une documentation plus détaillée sur les circonstances qui présidèrent à l’avènement de ce grand Roi.


Fa Ngoum, dessin de Phongsavadane Lao

I.- ORIGINE DE FA-NGOUM

Sur les origines de Fa-Ngoum, les auteurs ne s’accordent ni sur les faits, ni sur sa filiation. Ainsi le Nithan Khoun Bourôm Rajathirath (op. cité, p. 36) indique que « Phagna Luang Ngôm, roi du Lane Xang, avait 9 enfants dont 4 filles. De ces enfants, on ne sait rien. On sait seulement que son successeur fut un fils de son frère Phagna Kham Hiao. Ce dernier avait 4 enfants, dont le cadet était Fa-Ngoum ». Or, d’après le Nangsu Khoun Bourôn (mat. 2) conservé au Vat Sisaket à Vientiane et cité par Oukham Phomvongsa (op. cité, p. 73). « Chao Fa Luang Ngôm » avait deux fils : Chao Fa Ngiao et Chao Kham Hiao. Chao Fa Ngiao avait 4 enfants, dont le cadet était Fa-Ngoum».

On ne sait donc au juste si le père de Fa-Ngoum est Chao Fa Ngiao ou son jeune frère Chao Kham Hiao. Un seul point est à retenir Fa-Ngoum est le cadet d’une famille de 4 enfants. En tout cas, le père de Fa-Ngoum était encore connu sous autre nom « Phi Fa », nom que son père lui donna dans des circonstances que le Phongsavadan Muong Luang Prabang (op. cité, pp. 15 et 16) a relatés comme suit : « Phagna Lang monta sur le trône du Lane Xang sous le nom de Lang Thirat. N’ayant pas gouverné le pays suivant les lois des anciens rois, Phagna Lang fut exilé dans une grotte de la région de Pak Ou, et remplacé par son fils Phagna Kham Phông. Lorsque ce denier eut un fils, il envoya des messagers à Phagna Lang pour lui demander quel nom il désirait qu’on donnât à son petit-fils, Phagna Lang, aigri et irrité, répondait : « Vous m’avez traité de mauvais (roi) et expulsé du pays. Pourquoi venez-vous encore me demander de vous donner des avis? ». Et il conclut en s’exclamant : « Ya va Phi-Fa bo sou sou day »(Je pense que mime le Génie du Ciel ne peut pas lutter contre vous ?) Les messagers rapportèrent les propos de Phagna Lang au roi Kharn Phông qui, en tirant un bon parti, donna a son fils le nom de Phi-Fa qui signifie le « Génie au Ciel » .

Sur Phi-Fa, les auteurs sont encore divisés. Ainsi, le Phongsavadan Hèng Pathet Lao (op. cité, p. 12), indique que « Thao Phi-Fa, ayant eu des relations coupables avec Nang Ok Khèng, une concubine du roi, son père, fut expulsé du royaume et ne régna pas. Kham Phông chargea 3 vieux mandarins d’escorter Phi-Fa sur un radeau. Phi-Fa emmena avec lui son fils Thao Fa-Ngoum. Arrivés a Paklay, ces 3 mandarins remirent les exilés au Chao Muong thao Khoun Fay. qui accompagna ceux-ci jusqu’à Li-Phi (les chu-tes de Khone), à la frontière sud du royaume de Lane Xang ».

Le « Nithan Khoun Eourôm Rasathirath (op. cité, pp. 36. 39) et le Nangsu Khoun Bourôm (tome 2, Bibliothèque de Bangkok) cité par Oukhan Phomvongsa (Ibid. p. 73) soutiennent le contraire « Thao Phi-Fa n’avait pas commis d’adultère avec la concubine de son père et n’avait jamais été expulsé du pays. Fa-Ngoum seul fut exilé, parce qu’il avait dès sa naissance 33 dents, fait considéré comme de mauvais augure pour le royaume. Après la mort de Kham Phông, Phi-Fa (Fa-Ngiao) monta sur le trône de Lane Xang. Quand Phi-Fa (ou Fa-Ngiao) mourut, son frère kham Hiao lui succéda ».

Plus tard, ce fut donc contre son oncle Kham Hiao et non contre son grand-père Khamn Phông que Fa- Ngoum revendiqua ses droits à la succession. En tout cas, que Phi-Fa ait été exilé ou non, un seul point est clair Fa-Ngoum lui fut expulsé du royaume et ce fut ce malheur qui lui fournit l’occasion de connaître l’étranger et, les circonstances aident, de rentrer plus tard dans son pays pour le porter vers la grandeur et la gloire.

Les détails sur l’expulsion de Fa-Ngoum sont relatés comme suit par le Nithan khoun Bourôm Rajathirath (op. cité, pp. 36 et 37) Peu après la naissance de Fa-Ngoum ( En 1316 ; mais d’après d’autre document ( ? ) : 1328. (cf.Maha Sila Viravongs in Phongsavadan La, Vientiane, 1957, p. 46.), on constata avec surprise qu il avait 33 dents. Tous les mandarins de la Cour virent dans ce fait une indication bien certaine de malheur pour le pays. Ils demandèrent l’éloignement de l’enfant, et firent décider son départ. Un radeau de bambou fut construit sur le fleuve pour confier à ses eaux le petit exilé et l’emmener au loin hors de la contrée. Six serviteurs dévoués, Ba Khoum, Ba Kim, Ba Pô, Ba Siem, Ba Chikhe et Ba Lou, eurent la charge d’accompagner l’enfant. Avec eux un Pou Lien (grand-père nourricier) un Ta Lien (oncle nourricier), un Ao Lien (jeune oncle nourricier), un Phi Lien (grand frère nourricier). leurs femmes, leurs enfants, et d’autres serviteurs, en tout 33 personnes (133 personnes, selon la traduction d’Auguste Pavie, Histoire du pays de Lan Xang Hom Khao, in Mission Pavie, tm II, Paris 1898, p. 127.), quittèrent Xieng-Dong Xieng-Thong à la suite du jeune prince âgé de 2 ans. La mère de Fa-Ngoum. Nang Gna Kham Hiao (Ou « Kham Ngiao ».). le porta jusqu’au radeau, et élevant ses mains, elle le recommanda aux génies et aux rois des Naga des rives : « Prenez soins de mon fils. Préservez-le de tout malheur ! Les mandarins de la Cour prétendent que ses 33 dents sont de mauvais augure pour le royaume, aussi l’abandonnent-ils sur ce radeau pour le perdre. Si le « Boun » (Boun : Destinée, Chance.) de mon fils existe encore, protégez-le. Ne le laissez pas s’égarer ou sombrer. Montrez que naître avec 33 dents n’est pas un malheur pour son pays, mais le signe avant-coureur d’un être appelé à porter son pays à la grandeur. Prouvez que j’ai raison et faites que mon fils revienne régner avec gloire sur le trône de Xieng-Dong Xieng-Thong ». Puis elle s’adressa aux gens qui accompagnent Fa-Ngoum "La où vous irez, faites qu’on sache que vous suivez le fils de Phagna Kham Ngiao, ne l’appelez jamais orphelin". Elle accompagna Fa-Ngoum jusqu’à Muong Paklay, puis revint à Xieng-Dong Xieng-Thong.

Partout où le radeau passait, les habitants accoururent pour offrir vivres et présents au prince. Un an s’était ainsi passé lorsqu’un jour le radeau s’arrêta à Li-Phi, devant l’habitation d’un chef de bonzes, le Vénérable Passumian Chao. Ayant appris qu’il y avait dans l’embarcation un petit garçon séparé de sa mère, ce prêtre vint le prendre dans ses bras et l’emporta chez lui pour l’élever. Fa-Ngoum avait alors 3 ans. Lorsqu il eut atteint sa 7è année, Passaman Chao le présenta au roi du Nakhone Louang ( Cambodge). Celui-ci le garda pour l’instruire à sa cour pendant 7 ans encore. Puis il lui donna sa fille, Nang Keo, âgée de 12 ans, en mariage. Peu après, il fit venir les astrologues du royaume pour leur demander ce qu’étaient devenus les parents de son gendre. On répondit que le père (Fa Ngiao alias Phi Fa était mort en 1343 (cf. Maha Sila Viravongs, op. cité, p. 47.), la mère et le frère de Fa-Ngoum étaient morts, que le jeune prince régnerait, non seulement sur Xieng-Dong Xieng-Thong, mais encore sur Ayuthya. Lanna Xieng May, Muong Lu, Muong Phouan et Mnong Choulani (Siam, Chieng May, Sipsongphagna, Viet-Nam.). ils précisèrent également que Fa-Ngoum ne finirait pas ses jours à Xieng-Dong Xieng-Thong, mais dans un pays florissant de l’occident.

Un an après cette prédiction, Phagna Nakhone Louang rassembla toute l’armée éléphants, chevaux, sabres, lances, piques, haches, poignards, et désigna 4 chefs militaires pour préparer la grande et lointaine expédition. Il sacra ensuite Fa-Ngoum Phagna Fa-La Thorani. Les astrologues consultèrent de nouveau le Ciel et la Terre et fixèrent le moment du départ.


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