Nos pays voisins et leurs légendes

LA THAILANDE

Légendes du Roi Kham Deng et de l’Aubergine Merveilleuse:
Un prince Thai du Nord, parcourant de grandes distances vers le sud pour capturer une biche d’or divine, épousa enfin une fille du pays et fonda la ville de Lan Na; un jardinier du pays, épousant la princesse d’un roi venu du nord, fonda à son tour son un royaume au sud.

Au début, la religion n’existait pas dans la région des 800 muongs, Un Dévaputa. sur l’ordre du Roi du Ciel, se transforma en une belle biche pour y attirer le prince du Pragna Corani appelé Kham Dèng. Celui-ci voulut la capturer, mais en vain; il leva une grande armée pour la traquer. Après une poursuite de trois mois sans répit, il arriva à Doi Ang Satong, au Nord-Ouest de Xieng Mai, et rencontra une jeune fille autochtone appelée Nang In Lao.

Ils s’aimèrent et elle l’invita à venir dans la grotte qui était sa demeure, où ils goûtèrent au plaisir d’aimer. Puis le prince poursuivit sa chasse, et rencontra trois couples (homme et femme) étendus sur les empreintes de la biche, du rhinocéros, et de l’éléphant. Un Chao Lusi, consulté, lui conseilla de prendre ces trois couples pour chefs et soutiens, et d’obéir aux gens qui naissaient et vivaient sur place.

Enfin Kham Dèng arriva à un étang où il y avait sept touffes de lotus. Sur les conseils des oracles, il y fonda une ville appelée Vieng Lanna, épousa encore deux autres jeunes filles du pays, enseigna les doctrines du Bouddha aux autochtones. Lanna fut gouverné par les descendants de Kham Dèng et de ses femmes autochtones pendant plusieurs règnes dont on ignore le nombre (d’après C. Notton, Annales du Siam, Paris 1926). b).

Légende de l 'Aubergine Merveilleuse:

Jadis, le roi de Chieng Ray (Thai) au pays de Yonôk, à la suite de l’invasion de roi voisin de Satong dut se réfugier au sud avec tout son peuple et vint s’établir à Tay Trung. Sous le règne de son quatrième successeur, un jeune homme du pays, atteint d’une grave maladie de la peau, avait le corps couvert de plaies et fut surnommé Sène Pom, qui signifie « cent mille tumurs ».

Dans son jardin, il avait fait pousser un plan d’aubergine qu’il avait arrosé de son urine et qui donnait un beau fruit d’une grosseur extraordinaire. La princesse de Tay Trung, tentée par l’apparence succulente de l’aubergine, la fit acheter, la mangea, et fut par suite enceinte. Le roi, son père, ordonna une enquête pour trouver, mais vainement, l’auteur de ce délit de lèse-majesté.

Au bout de dix mois, la princesse mit au monde un beau garçon. Le roi, sur les conseils des oracles, fit venir tous les jeunes gens du pays en leur donnant l’ordre d’apporter chacun un plateau de gâteaux et de friandises pour offrir au garçon. fils de la princesse, et stipula que celui dont le contenu du plateau serait goûté par ce garçon serait son père. Sène Pom vint, mêlé dans la foule des jeunes gens. Mais à la vue de celui-ci, le garçon accourut et l’embrassa. Indigné et honteux, le roi chassa la princesse du palais.

Emmenant le garçon, elle vint habiter la chaumière de Sène Pom Alors, Indra (dieu du brahmanisme) apparut sous la forme d’un singe et offrit à Sène Pom un tambour magique qu’il aurait à faire résonner chaque fois qu’il voudrait voir se réaliser ses souhaits.

Grâce à ce tambour merveilleux, Sène Pom put se métamorphoser en un beau jeune homme. avoir une très grande fortune, faire construire de beaux palais appelés Thep Nakhon, et devenir lui-même roi en 1319, sous le nom de Sin Chay Chieng Sen.

Après la mort de Sin Chay Chïeng Sen, son fils Uthong lui succéda. Vers 1344, Uthong transféra sa capitale au bord de la Son, qu’il nomma Krung Thep Maha Nakhon. Les rois de Thailande sont les descendants de Sène Pom et de Uthong (d’après Schweisguth, Etude sur la littérature Siamoise, Paris 1951).

Les mythes du Fou Nan, du Champa, du Cambodge, d’autre part, bâtis sur un thème commun : un prince venu de l’Inde se marie avec une princesse autochtone, fil e du Roi des Serpents, nous paraissent rappeler une autre migration de l’ouest à l’est, de l’Inde à la péninsule Indochinoise, et le métissage des Hindous avec les Indonésiennes autochtones.

FOU NAN (Chine)

Briggs, citant les documents chinois, nous rapporte ainsi un de ces mythes : Il y avait jadis au Fou Nan une princesse normée Liu-Yeh (Feuille de saule) et en Inde, un jeune homme, Hun Thien. Ce dernier, était fervent croyant et adorateur d un génie puissant qui, peu après, lui apparut en songe, lui ordonnant de s’embarquer sur une jonque de commerçants hindous pour aller dans les régions de l’est. Le lendemain, Hun Thien se rendit au temple du génie, y trouva un arc magique, le prit et partit en voyage. Le génie poussa sa jonque vers les rivages du Fou Nan. La reine Liu-Yeh voulut piller la jonque sur laquelle se trouvait Hun Thien, mais sa propre jonque fut percée par une flèche tirée par l’arc magique du jeune homme. Epouvantée, Liu-Yeh se rendit et épousa Hun Thien qui devint Roi du Fou Nan. A ce moment, Liu-Yeh. comme tous les autres autochtones, ne portait pas de vêtements. Hun Thien prit une pièce d’étoffe, perça un trou servant de col, pour draper la princesse à la cérémonie nuptiale.

CHAMPA

On retrouve une autre version de ce mythe, sur une stèle de pierre dans les ruines de My-Son, à Quang Nam au centre Viêt-Nam, une des anciennes capitales du Champa: Kaundinya, prince hindou, avait reçu d’un génie une lance magique. Naviguant au large du Champa. il la lança vers le continent, débarqua à l’endroit où la lance s’était enfoncée, épousa la princesse du pays appelée Soma, fille du Roi des Serpents Nagaraja, et devint roi du Champa.

CAMBODGE

Une autre version se retrouve dans le mythe cambodgien Nagra Raja : Préak Thong, prince hindou chassé de son pays vint à Kok Thlok (Cambodge) épousa la princesse, fille du Roi des Serpents Nagara Raja qui l’aida à conquérir tout le Fou Nan. Préak Thong monta sur le trône. donna le nom de Kambuja à son royaume. D’après cette légende, les rois du Cambodge sont tous ses descendants.

VIET NAM

Enfin, le mythe vietnamien de « Con Rông Chau Tiên » (Enfants des Dragons, descendants des Immortels) nous rappelle aussi une autre migration vers le sud, et d'une manière un peu plus complexe, le mélange de sang entre les Chinois, les premiers Vietnamiens, et les Indonésiens autochtones Un des arrière-petits-fils du roi de Chine légendaire Thân Nông se rendit au sud, épousa une immortelle et donna naissance au roi Kint Duong Vuong. Ce dernier épousa la fille du roi Thân Long (Dragon) et donna naissance à Lac Long Quân. Lac Long Quân épousa une autre Im-mortelle appelée Au-Co.

De cette alliance, naquirent cent oeufs d’où sortirent cent garçons. Lac Long Quân en garda la moitié, laissa le reste à Sa femme en disant : « Je suis de la race des dragons et vous, vous être de celle des immortels, tout comme le feu et l’eau qui s’excluent. Ainsi, nous ne pouvons pas vivre ensemble plus longtemps. Restez avec nos cinquante fils, j’emmène les autres à la mer ». Et d’après ce mythe, les Vietnamiens d’aujourd’hui sont les descendants directs des cinquante garçons de la reine Au-Co. Ce qu’il y a de commun à tous ces mythes, c’est ce « suhstratum reptilien » constitué de pythons, de ngeuk au Laos, de Naga au Cambodge, au Champa, de dragons au Viêt-Nam, auxquels viennent adhérer, fusionner d’autre éléments provenant du nord, c’est-à-dire de la Chine, ou de l’ouest, c’est-à-dire de l’Inde, tous prétendant être de noble origine royale, divine et céleste.

L’existence d’un mythe animalier commun aux peuplades primitives nous permet de supposer que ces reptiles symbolisent le substrat Indonésien présumé être la base du premier peuplement de la péninsule Indochinoise : A une époque bien reculée, confirme en effet Dao Duy Anh (Viêt-Nam Van Hoa Su Cuong, ch. I, part. I) les Indonésiens chassés de l’Inde par les Aryens, se répandirent dans la presqu’île indochinoise où ils exterminèrent les Mélanésiens qui s’y étaient établis avant leur arrivée. Puis bon nombre d’Indonésiens quittèrent le pays; le reste en Indochine, se divisa en deux groupes ceux du sud fortement Hindouisés, sont les ancêtres des Chams et des Khmers; ceux du nord, après un mélange de sang avec les Mongols, et subissant l’influence de la civilisation chinoise. donnèrent naissance aux Vietnamiens d’aujourd’hui.

Il nous reste alors à identifier les immortels dans notre mythe « Con Rông Chau Tiên ». Lê Thanh Khôi (Le Viêt-Nam-Histoire et civilisation, Paris 1955, p. 88) semble vouloir assimiler ces fées ou immortelles aux Thai « Ces différents trait de la civilisation des Lac les apparentent à la fois aux Mélano-Indonésiens et aux Thais. Est-ce que cette dualité d’origine s’exprime symboliquement dans les légendes relatives à la dynastie HôngBang ?.

C’est, on l’a vu de l’union d’un descendant d’immortels et d’une fille de dragon que ces traditions font descendre le peuple vietnamien. Or, les immortels résident dans les montagnes, tandis que le dragon qui dérivait du crocodile est une puissance des groupes Thaïs, de race mongolique, émigrés des confins du Yunnan ou du Tibet, sont venus recouvrir au cours du der-nier millénaire avant J.C. des tribus indonésiennes établies depuis longtemps dans le delta du Fleuve Rouge ».

Enfin, G. Coedès (Les peuples de la péninsule indochinoise, 1962, p. 45) conclut : « On peut cependant. en partant de ce qui a été dit des origines probables de la langue Vietnamienne, se hasarder à formuler l’hypothèse suivante : « D’après les textes chinois dont les sources d’information remontent à l’époque de la constitution du royaume de Nan-Yue et de la conquête chinoise, les anciens habitants du delta tonkinois étaient nus, se laquaient les dents, chiquaient le bétel, labouraient leurs champs avec des houes de pierre polie, empoisonnaient leurs flèches, présentant de la sorte une série de caractères qui les apparentent aux populations méridionales de l’Indochine à, parler sans tons, môn-khmères et indonésiennes. Mais ils possédaient une organisation sociale hiérarchisée et de type féodal, complètement étrangère à ces populations méridionales, identique par contre à celle des Thais et des autres groupes Ethno-Linguistiques du sud de la Chine parlant des langues à tons.

On peut ainsi distinguer dans a civilisation du Tonkin pré-chinois deux composantes se rattachant à deux types différents, dont les légendes Vietnamiennes relatives aux temps les plus anciens semblent avoir gardé le souvenir. La composante méridionale représente-t-elle l’élément LO (Lac) et la septentrionale l’élément YUE (Viet) ? c’est assez vraisemblable mais ce qui importe ici, c’est ce que l’un des éléments apparente les anciens Tonkinois aux populations de parler môn-khmer, et que l’autre les apparente aux populations de parler Thai.


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